Les colliers de scarabées vivants

Publié le par Laurine T.

Les rues de Mérida au Yucatan débordent de cooperativas mayas où l'on trouve les produits issus de l'artisanat local : des Panamá made in Mexico ceints d'une bande de tissu coloré, des sacs et des chemins de tables brodés de grosses fleurs multicolores, des hamacs de nylon, de coton, de henequen ou de lenguas de vaca (ces fibres particulièrement résistantes issues de différentes variétés d'agave), mais aussi des tapis aux motifs géométriques, des masques de bois sculptés, des bijoux de pierres et d'argent. En terme d'artisanat, le savoir-faire maya est impressionnant, toutes les pièces rivalisent de créativité et de minutie.

Mais il y a une "innovation" qui m'a fait bondir de surprise, d'horreur et d'indignation : dans plusieurs magasins, à la caisse ou même dans un panier à l'entrée, on trouve, exposés sur des morceaux de bois couverts de mousse, des colliers de scarabées - des colliers de scarabées vivants. Au premier coup d'oeil on croit à une illusion : les pauvres insectes ne peuvent pas être vraiment vivants, ce serait trop obscène, trop indécent, ils n'auraient quand même pas osé. Et pourtant si, ils ont osé. Ça grouille doré et paillettes sur les morceaux de bois.

Les scarabées ont les élytres figées par la peinture d'or qui les empêche d'ouvrir les ailes. Sur leur dos on a collé des sequins à facettes de toutes les couleurs, en prenant soin de respecter la symétrie. J'imagine une sorte de savant sadique et appliqué qui jubile à l'ouvrage, mais je pense que cette atrocité est bien davantage le fruit du travail d'une femme pauvre qu'on a du payer une misère pour son "oeuvre". Comble du comble, pour pouvoir porter autour du cou les scarabées qui agitent désespérément leurs pattes frêles, on leur a fixé une lourde chaîne dorée entre la tête et le thorax, et une autre sur l'abdomen. Pauvre animal qui s'écroule sous le poids de ses fers et titube sur son morceau de bois, pour la vanité crasse d'un acheteur hypothétique (je ne sais même pas qui peut avoir l'envie de porter ça).

Je suis souvent pas d'accord avec les théories anti-spécistes, je déteste quand le pathos devient une argument rhétorique et cette idée de l'animal esclave de l'homme me semble parfois abusive. Mais là, l'analogie était trop évidente, la réification trop inutile, la trouvaille trop absurde, le procédé trop cruel. Il faut décidément que l'homme aime la violence et la domination pour l'infliger si gratuitement en tentant de la faire passer pour une oeuvre d'artisanat originale.

Le câlin de désespoir ou de consolation

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Publié dans Mexique

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