Pis au goûter, je voudrais des chips

Publié le par Laurine T.

Je veux dire, le goûter mexicain, c'est VRAIMENT des chips... Des chips en sauce, fromage et/ou ketchup.

Je veux dire, le goûter mexicain, c'est VRAIMENT des chips... Des chips en sauce, fromage et/ou ketchup.

Manger à peu près convenablement au Mexique est un combat de tous les jours. Même sans souci esthétique et sans obsession spécifique pour son poids, faire un repas qui ne soit pas une offense directe à sa santé (j'exagère à peine...) relève du challenge permanent. Parce que la bouffe mexicaine, c'est sans conteste gras-sucré-salé-moins-de-cinq-fruits-zet-légumes-par-jour. Et, comble du comble, c'est bon. La bouffe mexicaine, objectivement, c'est vraiment hyper bon, c'est pas pour rien qu'elle est classée au Patrimoine Immatériel de l'Unesco. La finesse et la variété des plats ne manquent jamais de surprendre alors que la base est toujours la même : de la tortilla de maïs, de la viande et de la sauce qui pique plus ou encore plus, avec parfois un peu d'avocat pour la verdure, ou de fromage fondu pour le calcium et les os solides. (Les vegan optent pour le tacos d'hibiscus, vuenvraimaispasgoûté, et vraiment hard d'être un-e vegan mexicain-e).

J'ai l'impression qu'il y a un réflexe qui est pourquoi manger gras quand on peut manger encore plus gras (tous les exemples qui suivent sont vu-vécus-pas-forcément-goûtés)... Pourquoi manger le riz nature quand on peut le préparer avec de la crème fraîche et du fromage fondu, pourquoi acheter le sachet de chips au marchand ambulant sans y ajouter du ketchup et de la mayonnaise, pourquoi acheter des fruits découpés au marchand d'à côté sans les noyer dans du fromage fondu, pourquoi manger des churros sobrement huilés et sucrés alors qu'on peut les fourrer de nutella, de confiture ou de cajeta (la cajeta c'est comme le Nutella, le chocolat en moins, on la fait avec des noisettes, ou des noix, ou des amandes, ou de la papaye, selon l'inspiration), pourquoi boire de l'eau à table quand le Coca ne coûte pas plus cher et se vend en bouteilles de 3L (c'est un gros bifteck qu'on doit pouvoir dissoudre là dedans), pourquoi manger un triste quatre quart sortant du four quand on peut le couvrir de crème chantilly aux amandes, pourquoi enfin se contenter de trois (ou quatre) repas par jour à heures fixes alors qu'un estomac est disponible H24.

Au Mexique, donc, la culture nationale c'est le grignotage arrosé de soda, ce que les statistiques ne manquent malheureusement pas de refléter puisque c'est plus de 70% de la population qui est en surpoids, et 30% d'obèses (à titre de comparaison, en France on est autour de 30%-40% de surpoids et 8-10% d'obèses, si mes souvenirs de mon cours sur "les maladies liées à l'alimentation" ne sont pas trop inexacts). On définit le surpoids comme un IMC supérieur à 25 et l'obésité comme un IMC supérieur à 30 (le calcul de l'indice de masse corporel est sûrement discutable vu que le muscle est plus lourd que le gras, mais il est assez simple et marrant, il faut faire le rapport de sa taille en mètres par son poids au carré en kilos ; entre 18,5 et 25 on est "normal", c'est à dire dans un rapport taille- poids considéré comme non-pathogène pour la santé, mais je suppose que la loi normale de la distribution des poids au Mexique se centre largement au dessus de ces valeurs). Ainsi le Mexique a récemment volé aux US le titre de pays avec le plus fort taux de surpoids et d'obésité.

Mais le plus préoccupant c'est l'évolution de ce taux chez les gamins et les gamines. C'est un truc qu'on observe très facilement à la sortie de l'école : les enfants aux cheveux si bien peignés sont trop souvent à l'étroit dans leurs uniformes scolaires, et pour peu qu'ils ou elles se penchent et que leur blouse remonte un peu, on aperçoit la cellulite qui déjà est venue faire son nid sur leur petit ventre. C'est pas leur faute, aux gamins aux gamines, à cet âge là on ne demande qu'à courir et sauter partout et déborder de vie, il suffit de regarder un môme s'agiter trois minutes pour savoir qu'il a bien plus d'énergie à revendre que moi et toutes mes copines réunies (ce qui est déjà une quantité non négligeable), et je pense même que malgré la télé, les jeux vidéos et les tablettes, ces enfants là remuent autant que les autres, simplement ils n'ont pas, ils ne peuvent pas avoir les mêmes habitudes alimentaires qu'ailleurs, parce que tout, absolument tout, autour, les incite manger mal, depuis la mère qui hydrate son bébé avec un biberon de Coca à toutes les supérettes qui vendent exclusivement des chips et des sodas.

Il faut bien voir qu'au Mexique la chips est une sorte de "coupe faim" par excellence. Dans tous les festivals on ne compte plus les marchands ambulants qui vendent leurs chips assaisonnées dans un sachet transparent (meilleures qu'en France, les chips, y'a pas à dire, parfois on voit même encore la peau de la patate sur les bords, mais ça en fait pas un légume pour autant). Dans les Oxxo, les 7/11 et toutes les petits enseignes de proximité, où en France on trouve de tout ce qui peut dépanner, ici il y a trois rayons : le rayon gâteaux d'apéro salés, le rayon trucs au chocolat fourrés de trucs d'apéro salés, et le rayon boissons sucrées pour faire passer les trucs d'apéro salés (c'est presque impossible d'y trouver un paquet de biscuit qui ne soit pas dégoulinant de sucre, de chocolat, ou autre que "sabor mantequilla", parfum beurre, écrit en bleu sur fond jaune). Il y a même des magasins qui ne vendent QUE des chips, vraiment que ça, dans des sacs immenses d'un mètre de haut pour un mètre de large, des chips jaunes ou oranges, en forme de roue, de patates, d'ongles de sorcières ou de petites flûtes, mais des chips seulement,on les vend à la pelle dans des sacs plus petits, la sauce c'est cadeau.

Alors dans tout ça, quand on décide de faire trois jours un peu plus light pour tenter de digérer la birria de chivo, la bière et les dix kilos de tortillas du mariage où on est allées le week end d'avant, quand on décide de faire l'impasse sur l'alcool et les quesadillas pour quelques jours, c'est tout de suite compliqué. Et on se retrouve dans un café à écrire un article de blog devant un chocolat chaud qui n'a jamais vu une goutte de lait.

Publié dans Mexique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article